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A titre professionnel et personnel je m'intéresse quotidiennement depuis 8 ans à la stratégie, aux doctrines, et en général à la pensée militaire des USA

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samedi 21 mars 2009

A la découverte de l'Amiral James G. Stavridis, probable futur SACEUR

L'amiral (USN) James G. Stavridis vient d'être proposé par le SECDEF, M. Robert Gates pour occuper la fonction de commandant des forces U.S. en Europe (US EUCOM), poste qui va de pair avec celui de Commandant Suprême des Forces de l'Alliance Atlantique en Europe (SACEUR, pour Supreme Allied Commander EURope). A ce titre, à la tête du Commandement Allié « Opérations » (ACO pour Allied Command Operations), il sera l’un des deux commandants stratégiques de l’OTAN.
Si, jusqu'à présent, Jim Stavridis ne s'est pas prononcé sur sa vision de ses futures fonctions qu'il exercera au Grand quartier général des puissances alliées en Europe (SHAPE, pour Supreme Headquarters Allied Powers in Europe) , il est intéressant d'examiner l'homme et son œuvre, en particulier celle qu'il accomplit actuellement en tant que US Southern Commander (US SOUTHCOM), commandement unifié Interarmées aux responsabilités régionales similaires à celles d' US EUCOM et aux défis régionaux probablement aussi complexes que ceux que rencontrent les intérêts américains en Europe.

L'Homme


Floridien de 54 ans d’ascendance grecque, fils de Colonel des Marines, James G. Stavridis (« Jim » pour les intimes) est sorti de l’académie navale d’Annapolis en 1976. Affecté aux forces de surface, il s’est particulièrement fait remarquer pour son leadership au commandement de l’USS Barry (DDG 52), du Destroyer Squadron 21, et du Battle Group du CVN Enterprise pendant les opérations Enduring Freedom et Iraki Freedom. Dans ces différentes fonctions il a obtenu de nombreuses récompenses prestigieuses au sein de l'US Navy, telle la "Battenbeg Cup" ou le "John Paul Jones Award." Breveté du National War College en 1992, il détient un doctorat en relations Internationales de la Fletcher School of Law and Diplomacy . L’ensemble de ses qualités l’a amené à des postes de responsabilités importants au sein de l'US Navy et du Pentagone, dont celui de « Senior Military Assistant » du Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld.

Il est probablement l'un des plus jeunes officiers généraux US à obtenir le grade suprême en temps de paix, en ayant reçu sa 4ème étoile d’"Admiral" à 51 ans, le 19 octobre 2006.

Outre ses qualités de leadership, Jim Stavridis a la plume facile et prolifique. Rédacteur ou co-rédacteur de nombreux ouvrages et articles, il a son propre blog. Il est en particulier l'auteur d'un ouvrage, « Destroyer Captain: Lessons of a first Command » qui est la bible en matière de leadership pour les commandants d'unités de l'US Navy. Son épouse Laura Hall Stavridis participe à son aventure littéraire puisqu'elle est l'auteur du « Navy Spouse's Guide ». Ils se sont connus en Grèce alors qu'il avait 8 ans, et elle 3, leurs pères étant en poste ensemble à l'ambassade des U.S.A. Il sont parents de deux jeunes filles, Christina et Julia.

Formé aux relations internationales, Jim Stavridis a une volonté de mieux connaitre ses partenaires et leurs cultures. Parlant Français et Portugais entre autres langues, il a aussi appris l’Espagnol en prenant son commandement à SOUTHCOM et l’a maitrisé parfaitement très rapidement. Il a établi une liste de livres et de films étrangers qu'il conseille aux membres de son état-major pour qu'ils se familiarisent aux divers aspects des cultures latino-américaines.

Adepte des sports de raquette, il aime aussi jouer au basket, malgré sa petite taille qu'il n'hésite pas à plaisanter en public.

Ceux qui le croisent s'accordent à dire que c'est une personnalité charismatique, facile d'accès et allant vers les autres, quelque soit leur grade ou leur nationalité, en usant d'une civilité hors du commun. "C'est un chef extrèmement positif " qui est prêt à écouter avant de prendre une décision, n'a pas d'idées préconçues et est doté d'un esprit pratique. Proche de ses hommes, il met en avant l'équipe plutôt que les individus, lui inclus. Les décisions prises sont consciencieusement pesées au regard des risques encourus, des bénéfices attendus et des coûts estimés.
Réaliste dans son examen de la vision des USA qu'ont les autres nations, il ne parait pas montrer de préférence pour un pays ou un autre.

Sa philosophie du commandement:

- Civilité: "Être aimable, Partager le crédit des résultats et garder le sens de l'humour."

- Confiance tranquille: " Être toujours calme et constant. Ne pas laisser l'égo se mettre en travers du progrès."

- Créativité: "Être une veilleuse. Toujours se demander comment puis-je faire mieux ceci?"

- Travail d'équipe et collaboration: "Travailler ensemble, personne n'est plus intelligent que l'ensemble du groupe pensant ensemble."

- Détermination: "Ne jamais, jamais, jamais abandonner."

- Honnêteté et intégrité: "Ne jamais transgresser la loi ou les règlements. Être inflexible pour dire la vérité."


La Pensée



S'il fallait résumer la pensée stratégique de l'amiral Stavridis, deux de ses expressions favorites la résumeraient assez bien: " Think out of the box" et "Smart Power".



- La seconde révolution dans les affaires militaires



l’amiral Stavridis est un adepte des nouvelles technologies, et en particulier celles de l'information. Dès le printemps 1997 dans un article dans le "Joint Force Quarterly", il s'est penché sur « révolution dans les affaires militaires » (RMA, pour Revolution in Military Affairs), faisant preuve d'une vue visionnaire des conflits asymétriques auxquels seraient confrontés les USA. Il évoque une seconde RMA qui serait la réaction à la première dans la course continue entre "le boulet et la cuirasse". Selon lui une grande partie des technologies utilisées pour la première RMA, qui a pour objectif militaire de remplacer la logique d'attrition de l'adversaire par sa paralysie et sa mise en état de choc, seront (on est en 1997) commercialisées pour des applications civiles . Elles seront facilement accessibles à faible coût à de nombreux compétiteurs. Néanmoins certaines capacités de la RMA, qui repose sur trois piliers que sont le système de systèmes, la domination de l'information et la guerre de l'information, resteront inabordables pour ces adversaires. Se développera alors la seconde RMA, utilisant d'autres méthodes pour contrer les outils qui ne pourront être acquis. Stavridis en donne une liste non exhaustive. Ainsi pour limiter l'effet des frappes de précision les objectifs seront durcis, enterrés, dispersés, multipliés. Pour lutter dans le domaine de la guerre de l'information l'adversaire utilisera des méthodes primitives, s'isolera, contre-attaquera. Les senseurs sophistiqués seront aveuglés, les cibles multipliées, dissimulées et dispersées dans un environnement peu atteignable (population civile). La moindre qualité des hommes et des équipements sera compensée par la quantité et l'effet de masse. Des technologies nouvelles et innovantes adaptées à ces modes d'action seront développées dans des domaines comme la biologie (armes, mais aussi drogues, stimulants et médicaments), les munitions rustiques (missiles de croisière, mines...), la chimie des matériaux (blindages..), ou les armes de destruction massive. A la guerre de manœuvre s'opposera la défense statique et la manœuvre réactive (pièges, embuscades très étendues..).



- Le « Smart Power » et l' « Inter Agency » appliqués à la stratégie régionale



Si, dans ses postes au Pentagone, Jim Stavridis a jugé de l'importance des technologies émergentes pour la transformation des forces armées, il exprime depuis qu'il est à SOUTHCOM que ces dernières ne sont pas la seule réponse aux défis régionaux qu'affronte les États-Unis. Ses vues sur la conduite des affaires militaires y sont très proches de celles exprimées par le Secrétaire Robert Gates. Adepte pratiquant du « Smart Power », il est un fervent promoteur d’une approche inter administrations et d’un lien étroit entre les affaires militaires et la Diplomatie dans les politiques régionales.

L' amiral Stavridis part du principe que votre adversaire est au moins aussi intelligent que vous et très innovant. Pour appliquer à son encontre une stratégie gagnante, le « Smart Power », ne doit pas reposer sur la force pure. Il doit conjuguer une compréhension de la région non seulement au plan géopolitique, mais aussi culturel, social et humain, avec un esprit d'innovation tirant parti de tous les outils de puissance de la nation, mis en synergie par une organisation de type inter administrations (Inter Agency), de ses alliances et relations internationales, et même de partenariats avec le secteur privé.

Cette stratégie, de type « gagnant-gagnant », doit pouvoir être bénéfique à l'ensemble de la région. Elle doit mettre en avant la nécessité de renforcer et soutenir les partenariats internationaux sur le long terme, bâtissant la confiance et la coopération, pour garantir la sécurité d'états stables et le désir de répondre ensemble aux crises.

Pour y parvenir l'amiral Stavridis a complètement transformé l’organisation de SOUTHCOM pour passer son état-major d'une culture de combat à une culture « Inter Agency » et Internationale, ayant maintenant un diplomate comme un de ses deux « Deputy », renforcé la place et le nombre d'officiers de liaison étrangers, intégré d'autres agences fédérales ne dépendant pas du Department of Defense (DoD), développé la communication stratégique et les actions de coopération militaire internationale à but pacifique ( déploiement de navire hôpital, croisières d'instruction etc.), et soutenu activement la lutte contre la menace criminelle régionale au travers de la « Joint Inter Agency Task Force South » (JIATF-S), qu'il voit comme un modèle d'organisation « Inter Agency » et Internationale .

1 commentaire:

Frédéric a dit…

Je ne connaissait votre site. Vous y avez quelques textes instructifs :)