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A titre professionnel et personnel je m'intéresse quotidiennement depuis 8 ans à la stratégie, aux doctrines, et en général à la pensée militaire des USA

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mercredi 21 novembre 2007

Après l'Irak, quel avenir pour les forces armées américaines?

Les campagnes irakiennes et afghanes menées par l'appareil militaire américain ont laissé des traces sur celui-ci. Les ressources humaines, materielles et financières ne sont pas inépuisables.
L'article qui suit, traduit en français, résume bien les défis auxquels doit faire face les Forces Armées des USA dans les années à venir.
L'article original en anglais contient de nombreux liens vers d'autres documents interessants. vous pouvez le trouver à l'adresse:
http://www.cfr.org/publication/14721/future_of_the_us_military.html?breadcrumb=%2Fbios%2F13554%2Fgreg_bruno

C.H.


LE FUTUR DES FORCES ARMEES U.S.

Greg Bruno, Staff Writer

CONCIL ON FOREIGN RELATIONS - 7 Novembre 2007



Introduction

Six ans après le 11 septembre, les forces armées américaines sont à la croisée des chemins. Mises sous pression par le double poids de la guerre en Iraq et en Afghanistan, les ressources humaines et matérielles du Pentagone gravitent à proximité du point de rupture. Les forces terrestres sont particulièrement sous tension. L'US Army (USA), responsable de l'essentiel des opérations au Moyen-Orient, prévoit des déficits en officiers et des pénuries d'équipement alors que les conflits traînent en longueur. L’US Marine Corps (USMC), également, peine à maintenir des niveaux adéquats de préparation aux opérations alors que les pertes en équipements s'accumulent. L'armée de l'air et la marine, moins actifs que leurs homologues des combats au sol, souffrent néanmoins de la plus longue période de conflit depuis le Vietnam. Tous font face à des coupes budgétaires qui risquent de menacer à long terme de leurs capacités.
Beaucoup de choses ont été dites au sujet du « comment » et du « quand » l'armée américaine finira par s’extraire elle-même de ces guerres. Moins d'attention, cependant, a été accordée à ce à quoi l'armée pourrait ressembler à son retour. Les coûts grimpants - à la fois humains et budgétaires - menacent de faire dérailler projets de modernisation des forces que les dirigeants des Forces Armées jugent nécessaires. Et alimenter le débat sur les dépenses nécessaires à la défense fait éclore un désaccord sur la façon dont les menaces contre la nation se manifesteront dans le futur.

US Army (USA)
De l'avis de tous, les composantes d’active et de réserve de l’US Army portent le poids des guerres américaines actuelles. Ainsi en septembre 2007, environ 122.000 soldats de l'Army étaient en Irak, avec un supplément de 18.000 aux côtés de forces de l'OTAN en Afghanistan. Pas moins de 1,4 millions personnels d'active et de réserve ont participé à des opérations de combat depuis le 11 septembre 2001. En avril 2007, le Pentagone a mis en outre plus de contrainte sur l’Army avec l'extension des déploiements à quinze mois au lieu des traditionnels douze. Le mouvement, appelé « Prudent Management » par le Secrétaire à la Défense, M. Robert Gates, est arrivé alors qu’un nombre croissant de soldats ont opté de ne pas se réengager. Pour contrer l'attrition prévue l’US Army prévoit d'ajouter 65000 soldats dans ses rangs en 2010, et de passer le temps entre les déploiements de un an à deux ans. L'armée a également offert des bonifications pour inciter les jeunes officiers à rester sous l’uniforme.
La santé des soldats de retour aussi est en train de devenir une importante préoccupation à long terme. Le « Congressional Budget Office » rapporte que de près de 35000 soldats ont été blessés ou tués dans les combats depuis 2001, et le coût des soins de santé au cours de la prochaine décennie pourrait atteindre 9 milliards de $.
Les problèmes de personnel ne sont pas le seul défi de l'armée, cependant. Le « Center for American Progress » (CAP) et l'Institut Lexington indiquaient en avril 2006 que les contraintes sur les équipements - utilisation intensive et environnement irakien dur - ont réduit l’état de préparation de certaines unités. Le char M1 Abrams, par exemple, est utilisé six fois plus durement qu’en temps de paix, alors que les camions approchent dix fois l'utilisation normale. L'Army estime que 13,5 milliards de $ sont nécessaires pour payer la réparation des équipements essoufflés par la guerre.
Pour faire face à ses défis à long terme, l'Army est en train de rénover sa structure organisationnelle, en créant des équipes "modulaires" de brigades de combat destinées à offrir davantage de flexibilité dans les combats. Mais comme l’explique un documentaire, certains experts se demandent si les réformes ne rendront pas l'armée moins efficace dans les opérations de contre-insurrection.

US Marine Corps (USMC)

Le poids porté par le personnel et le matériel ont aussi accablé l'US Marine Corps. En août 2006 Le « Center for American Progress » (CAP) et de l'Institut Lexington ont signalé que les Marines, à l'instar de l'Army, a trébuché sur une crise des équipements qui menace les futures missions. Près de la moitié des véhicules blindés et de transport de troupes de l’USMC a été déployée en Irak, ont constaté les deux organisations, avec une grande partie endommagée et sur utilisée. Quarante pour cent des équipements de l’USMC pré-positionnés dans des entrepôts en Europe - surtout des véhicules terrestres et des munitions, ont été épuisés, ce qui limite la capacité de l’USMC de réagir à des situations en dehors de l'Iraq.
Certains responsables militaires ont cité les déficits d'équipement comme partie d'une "spirale de la mort" menaçant les réserves stratégiques du Corps; l’estimation des réparations et des remplacements atteignant 17 milliards de $.
Aggravant le sort des Marines, le V - 22 « Osprey », aéronef autour du quel l’USMC a conçu sa doctrine tactique opérationnelle, a été criblé des décennies durant par des problèmes techniques et de sécurité. L’Osprey peut décoller verticalement, puis voler comme un avion conventionnel, mais des défaillances moteur et les restrictions de vol sur ses manœuvres peuvent le rendre beaucoup moins utile dans des situations de combat comme le rapporte le « Times ».
Actuellement, il ya environ 25.000 marines en Irak. À l'instar de l'Army, l’USMC a un plan visant à augmenter en personnel et à réduire le temps entre les déploiements dans les prochaines années. Il n' ya pas de grandes unités de Marines en Afghanistan.

US Navy (USN)

Alors que le rôle de l’US Navy après le 11 septembre a été occulté par l'Army et le Marine Corps, l’Arme maritime de la nation n'a pas été absente de la lutte. Depuis conduite des frappes initiales de missiles de la guerre d’Irak, la marine a participé à la campagne terrestre en apportant le soutien médical et de construction aux unités de Marines; en gardant des centres de détention en Iraq, en envoyant des équipes d'élite de « SEAL » (commandos) contre les terroristes du monde entier. En octobre 2007, un SEAL est devenu le premier membre de la Navy en service en trente ans à gagner la Médaille d'Honneur pour héroïsme au combat. En avril 2007, il y avait dix-sept mille marins en mer en appui des missions en Iraq et en Afghanistan.
Pour accroître sa viabilité à long terme, la Navy est en train de redéfinir ses capacités de combat. Un symbole en est l’appellation « Green-water Navy » attachée à la nouvelle classe de petits bâtiments conçus pour opérer près du littoral, les « Littoral Combat Ships » (LCS). Des dépassements de coûts, cependant, ont conduit à des problèmes.
Plus largement, des plans sont en cours pour élargir les partenariats avec les marines alliées, conduire des missions humanitaires, et protéger les routes maritimes.

US Air Force (USAF)

l'US Air Force fait face à des défis semblables. Depuis 1991 l’USAF a été engagée en patrouillant les zones d'exclusion aérienne en Iraq. Aujourd'hui, elle mène un appui au combat traditionnel et des missions "non traditionnelles" – allant de l’escorte de convoi à la protection des infrastructures. L’USAF est également pris la direction de la guerre cybernétique. Au début de 2007 l’USAF avait trente mille de ses membres déployés dans la région d’US Central Command (USCENTCOM), qui comprend l'Iraq et l'Afghanistan. Pourtant, les guerres ont coûté cher aux aviateurs et à leurs équipements. Selon l’« Air Force Posture Statement » de 2007, un "nombre important" de la force de six mille avions est exploité avec des restrictions de vol en raison de son âge et de la surexploitation. L’âge moyen des bombardiers est plus de trente ans. "En conséquence," conclut l’USAF "l'armée de l'air voit sa capacité de répondre aux exigences de la lutte de demain remise en cause. "
Cette frustration est attestée par ralentissement du développement de nouveaux avions furtifs. Les essais du F-35 « Joint Strike Fighter » (JSF), par exemple, ont été retardés par des dysfonctionnements électriques, et les critiques font valoir que le F-22 « Raptor », un autre avion furtif, est lent et lourd.

L'avenir de la guerre

Tout aussi incertain est le type de conflits dans lesquels le Pentagone sera appelé à se battre. Pour l'instant, l'accent est mis sur les petites guerres, ou soi-disant campagnes de contre-insurrection. Considéré comme la "quatrième génération" de la guerre - derrière la ligne et la colonne, la mitrailleuse et de l'artillerie, le char d’assaut et les avions – ces combats nécessitent un grand nombre de soldats sur le terrain afin d’interagir avec la population et défier une coalition souple de combattants. M. Gates, le Secrétaire d’Etat à la Défense, dit qu'il envisage un avenir où les conflits non conventionnels sont "la pierre angulaire du champ de bataille contemporain."
Néanmoins, certains stratèges militaires affirment que les États-Unis auront besoin d'un vaste éventail de capacités pour contrer les menaces traditionnelles. D'autres encore craignent que le Pentagone ne revienne se concentrer sur la guerre conventionnelle après les guerres en Iraq et en Afghanistan, tout comme elle l'a fait après le Vietnam. L'amiral Michael G. Mullen, chef du Joint Chiefs of Staff (JCS), a une autre préoccupation. Il s'inquiète la focalisation sur l'Iraq ne conduise le pays à "sombrer dans la complaisance concernant ses responsabilités mondiales qui ne cessent de s’accroitre." Le débat est particulièrement vif au sein de l'Army. R. Gates a déclaré que l'Army devrait améliorer sa capacité à former les armées étrangères, et être prête à reconstruire les infrastructures et relancer les services publics. Cette vision, cependant, est contraire à celle préconisée par l'ancien Secrétaire à la Défense, Donald H. Rumsfeld, qui a appelé à une Army plus petite avec des unités techniques qui évitent clairement les missions d'édification de nations.

Un prix trop élevé

Au-delà des questions d'orientation et de préparation repose une plus grande bataille budgétaire cette fois. Les planificateurs du Pentagone mettent déjà « les chariots en cercle » en vue de la « Quadriennal Defense Review » de 2009 qui servira de cadre pour les dépenses de la prochaine administration présidentielle.

Les planificateurs de l’Army envisagent un monde plein de campagnes de contre-insurrection, où des hommes sur le terrain seraient indispensables. Plus il y a d’hommes, plus grande est la part du budget que l'Army mérite, fait-elle valoir. Les responsables de la Navy et de l’Air Force, en revanche, pourraient espérer un retour à l'ancien ordre mondial de la guerre classique, où les États-nations traditionnels comme la Chine ou la Russie constituent le plus grand risque pour la sécurité. "La grande question pour l'avenir, c'est ce que vous pensez de ce que seront les menaces à long terme", déclare Steven M. Kosiak , un analyste de défense au « Center for Strategic and Budgetary Assessments », un institut de recherche indépendant. "L'Army ne sera probablement pas particulièrement pertinente si la Chine est votre grande préoccupation."

La base pour le budget du Département de la Défense, actuellement de 483 milliards de $ - presque le double de ce qu'il était au milieu des années 1990 - représente environ 3,9 pour cent du produit intérieur brut américain (PIB), historiquement très bas comparé à des guerres passées, mais les rallonges budgétaires pour les dépenses supplémentaires augmentent les chiffres actuels. Durant le Vietnam, par exemple, les dépenses ont atteint un sommet de 9,5 pour cent du PIB, selon le Pentagone. Mais certains prédisent que les pressions intérieures forceront les politiciens à réduire les dépenses lorsque les conflits actuels s’évanouiront, comme ce fut le cas après la guerre froide. Conscients des querelles budgétaires potentielles, les chefs militaires ont tiré des coups préemptifs. Le secrétaire d’Etat à Air Force, Michael W. Wynne, a déclaré en septembre 2007 que son service aurait besoin d'une tranche additionnelle de 100 milliards de $ au cours des cinq années à venir pour rester apte à répondre aux défis futurs. Pour la Navy, le débat budgétaire peut s'articuler autour de la valeur opérationnelle de cette arme. En Avril 2007 un rapport du »Congressional Research Service » pose au Congrès la question de cette manière: "Les actions de la Navy sont-elles en partie motivés par des préoccupations quant la perception qu’elle est adaptée aux menaces actuelles, ou par un désir d'assurer une partie de son financement ...? "

L'amiral Mullen, lui aussi, a pressé le Congrès de maintenir les niveaux actuels élevé de financement dans les prochaines années. En octobre 2007 il a déclaré à l'International Herald Tribune que les contribuables doivent être prêts à "consacrer plus de ressources à la sécurité nationale", en partie pour la réparation d'équipements et la reconstruction des forces.

Tout le monde n'est pas d'accord. Richard K. Betts, « Senior Fellow » adjoint au « Council on Foreign Relations » dit lui que l’actuel budget de la défense est déjà largement déconnecté de la réalité. "La structure de défense du temps de paix est encore très importante par rapport à la guerre froide", affirme Betts, "et nous n'avons aucune menace comparable à celles qui nous préoccupaient durant la guerre froide."

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